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Le prophète et la prophétesse
Il était une fois, au temps du dieu Ra, du roi Nabuchodonosor et de la reine Margot, une paysanne qui accoucha d’un fils, son quinzième enfant. Ne pouvant le nourrir, elle le coucha dans une nacelle en osier qu’elle déposa dans un zodiaque sur le Nil.
Et le Zodiaque vogua, vogua et vogua encore avant de buter sur le rocher aux trente oiseaux qui s’étaient rassemblés pour leur conférence annuelle.
Les hérons tendirent leurs longs cous vers le nourrisson qui criait plus fort que les gabians. Ses cris éveillèrent la femme du pêcheur qui vint examiner l’enfant.
Elle souleva ses couches : sans prépuce, dit-elle. Je n’en veux pas, qu’il aille fonder ailleurs sa religion de mâle blanc émasculé, ce qu’il fit d’ailleurs quelques années plus tard. C’était il y a très longtemps, mais on en parlait encore en 2024 sur France-Inter qui ne nous dit pas tout.
Dans la nacelle en osier, il y avait deux bébés, celui entré dans la légende sans prépuce, mais aussi celle dont on ne parle jamais sans sexe apparent. La petite fille devint elle aussi prophétesse, la grande pythie Tartempionne qui fonda le culte des tartes aux pommes, aux fraises et aux myrtilles.
Oyez, oyez braves gens, Tartempionne sera bientôt de passage parmi vous, préparez vos papilles ; elle ne parle pas, ne bégaye pas, elle sait seulement distribuer des tartes !
Conte à rebours
Le prince n’était plus amoureux de sa princesse. Lui qui avait trouvé chaussure à son pied en proposant une pantoufle de vair fourrée à une belle inconnue, ne voulait plus d’elle.
Ils n’eurent pas le temps d’être heureux et d’avoir beaucoup d’enfants ; seulement un garçon, Cendrier, que le prince garda dans son château lorsqu’il chassa Cendrillon.
C’était un matin d’été ; il ouvrit lui-même la porte, poussa la femme sans ménagement et referma la porte.
Frappée de stupeur, elle s’immobilisa dans la lumière crue et s’interrogea. Que faire ?
Elle était libre, en bonne santé, et chaussée de cuir. Elle ne resterait pas prostrée. Debout !
Bien campée sur ses deux jambes, elle redressa les épaules, leva le menton, haussa la tête et regarda autour d’elle : elle reconnaissait la forêt, les bosquets et les talus généreux, les champs cultivés.
La rivière dans laquelle elle s’était baignée avec Cendrier n’était pas loin.
Ne pas penser à lui maintenant ; elle sait qu’elle reviendra le chercher plus tard.
Pour le moment, penser à elle, à sa survie, trouver à boire et à manger.
Elle se mit en marche, elle ne savait pas où elle allait, mais elle avançait d’un bon pas.
Au zénith du soleil, elle chercha un abri pour se protéger de la chaleur.
À flanc de colline, une grotte lui tendait son ombre.
En s’approchant, elle vit que la grotte avait une habitante, une autre femme, plus âgée qu’elle.
Elle semblait avenante, elle lui sourit ; la troglodyte lui rendit son sourire.
Elle s’assit auprès d’elle, mais elles ne pouvaient converser, elles ne parlaient pas la même langue.
Elle lui fit signe qu’elle avait soif et faim ; l’habitante de la grotte que l’on appellera Caliban comprit immédiatement et les deux femmes s’enfoncèrent dans la forêt.
Caliban transmit son savoir à Cendrillon : les plantes à manger, les plantes à guérir, les points d’eau, la rosée du matin et les roulements des cascades ; les animaux inoffensifs et ceux dont les humains devaient se méfier, les douces brises et les rafales du vent ; les étoiles et leurs lumières. Tout était bon à apprendre et Cendrillon apprenait vite.
Un jour, une rumeur parvint jusqu’à elle ; le prince dans son château était malade.
Elle ira le soigner et repartira avec son enfant, le prince pleurera comme elle avait pleuré, mais c’est un autre conte.
Viviane Baubry
Colas Baillieul
Odile Merlin
Marie-Laure Gerin
Michèle Bitton
Mise à jour :samedi 9 novembre 2024 | Mentions légales | Plan du site | RSS 2.0