Michèle Bitton

Vers la page noire

Il a ouvert la porte

sur une chambre béante

Il est sorti par une autre porte

Dehors le vent balayait la poussière

du levant au couchant

il courbait les joncs

Ébloui par l’immensité déserte

il est resté figé un instant

particule vivante au corps de l’univers

assombri le ciel

allumé les étoiles

Il s’est arrêté

s’est déchaussé

et couché sur la terre

Il a salué la lune indifférente

astre immuable

aux plénitudes changeantes

Dans le silence de la nuit

Il a écouté battre son cœur

Son compagnon

En attendant le sommeil

il a fermé les yeux

sur ses rêves

Derrière ses paupières

il a vu défiler

les images du jour

Il a pris le grand livre

Entre ses pages la langue se perdait

elle voulait s’envoler

Elle demandait à se muer en oiseau

à parler aux nues

elle ne supportait plus l’encre noire.